34

 

Il y avait une place pour moi dans le mythe de l’Anticipation – je pensais être l’Annonciateur, le prophète dont on prédisait qu’il découvrirait le Héros des Siècles. Renoncer à Alendi serait revenu à renoncer à ma nouvelle position, à mon acceptation, parmi les autres.

Par conséquent, je n’en fis rien.

 

Description : 055

 

— Ça ne marchera jamais, dit Elend en secouant la tête. Il nous faut une décision unanime – moins la personne que l’on évince, bien entendu – pour déposer un membre de l’Assemblée ; nous n’arriverions jamais à éliminer chacun des huit commerçants.

Ham parut quelque peu découragé. Elend savait qu’il aimait se considérer comme un philosophe ; de fait, Ham était doué pour les réflexions abstraites. Cependant, ce n’était pas un érudit. Il aimait concevoir des questions et réponses, mais n’avait pas d’expérience en matière d’étude détaillée des textes pour en chercher le sens et les implications.

Elend jeta un coup d’œil à Sazed, assis à la table, un livre ouvert devant lui. Le Gardien avait une bonne dizaine d’ouvrages empilés devant lui – cependant ils étaient, détail amusant, disposés soigneusement, les tranches tournées dans la même direction et les couvertures au même niveau. Les piles d’Elend étaient, quant à elles, entassées avec son désordre coutumier, des pages de notes dépassant selon des angles aléatoires.

C’était incroyable de voir le nombre de livres qu’on pouvait accumuler dans une pièce, à supposer qu’on ne compte pas trop se déplacer. Ham était assis par terre avec un petit tas de livres devant lui, même s’il passait le plus clair de son temps à exprimer tout haut l’une ou l’autre idée au hasard. Tindwyl occupait une chaise, et ne paraissait pas en train d’étudier. Si la Terrisienne trouvait parfaitement acceptable de former Elend à se comporter comme un roi, elle refusait de se livrer à des recherches et de donner des suggestions pour l’aider à conserver son trône. Il y avait entre les deux, à ses yeux, une frontière invisible entre le rôle d’éducatrice et celui de force politique.

Une bonne chose que Sazed ne soit pas comme elle, songea Elend. Sinon, le Seigneur Maître serait peut-être toujours au pouvoir. En fait, Vin et moi serions sans doute morts – c’est Sazed qui l’a secourue quand elle était emprisonnée par les inquisiteurs. Pas moi.

Il n’aimait pas repenser à cet événement. Sa tentative ratée de sauvetage de Vin ressemblait désormais à une métaphore de tout ce qu’il avait fait de travers au cours de sa vie. Il avait toujours eu les meilleures intentions, mais sans être souvent capable de les mettre en application. Cependant, il allait changer sur ce point.

— Que dites-vous de ça, Majesté ?

Celui qui venait de parler était la seule autre personne présente dans la pièce, un érudit du nom de Noorden. Elend s’efforça d’ignorer les tatouages complexes qui entouraient ses yeux, témoignant de son ancienne vie d’obligateur. Il portait de larges lunettes pour tenter de les masquer, mais il avait été autrefois relativement haut placé au Ministère d’Acier. Il pouvait renoncer à ses croyances, mais les tatouages demeureraient à jamais.

— Qu’avez-vous découvert ? demanda Elend.

— Des informations sur lord Cett, Majesté, répondit Noorden. Je les ai trouvées dans l’un des livres que vous avez pris dans le palais du Seigneur Maître. Il semblerait que Cett ne soit pas si indifférent qu’il voudrait nous le faire croire vis-à-vis de la politique de Luthadel.

Noorden gloussa pour lui-même à cette idée.

Elend n’avait encore jamais rencontré d’obligateur jovial. Peut-être était-ce la raison pour laquelle Noorden n’avait pas quitté la ville comme beaucoup de ses semblables ; il ne paraissait vraiment pas à sa place parmi leurs rangs. C’était l’un des hommes auxquels Elend avait confié le rôle de scribe et de bureaucrate dans son nouveau royaume.

Elend parcourut la page que lui montrait Noorden. Bien qu’elle soit remplie de chiffres plutôt que de mots, son esprit d’érudit analysa sans mal les informations. Cett avait effectué beaucoup d’échanges commerciaux avec Luthadel. La plupart du temps, il s’y était pris en se servant de maisons mineures comme façades. Ce qui avait peut-être trompé les nobles, mais pas les obligateurs, qui devaient être informés des termes de chaque accord conclu.

Noorden transmit le livre à Sazed, qui parcourut les chiffres.

— Donc, continua Noorden, lord Cett voulait paraître n’avoir aucun lien avec Luthadel – sa barbe et son attitude ne faisant que renforcer cette impression. Pourtant, il y a toujours exercé une influence secrète.

Elend hocha la tête.

— Il a peut-être compris qu’on ne peut pas éviter la politique en faisant semblant de ne pas s’en mêler. Il n’aurait jamais pu amasser tout le pouvoir dont il dispose sans quelques liens politiques solides.

— Donc, qu’est-ce que ça nous apprend ? intervint Sazed.

— Que Cett est bien plus doué pour ce jeu qu’il ne veut le faire croire, répondit Elend, qui se leva puis enjamba une pile de livres en regagnant sa chaise. Mais je crois que c’était déjà évident, à en juger par la façon dont il m’a manipulé hier, ainsi que l’Assemblée.

Noorden gloussa.

— Vous auriez dû voir vos expressions à tous, Majesté. Quand Cett s’est dévoilé, quelques-uns des nobles de l’Assemblée ont littéralement bondi sur leur siège ! Je crois que vous étiez trop stupéfaits, vous et les autres, pour…

— Noorden ? le coupa Elend.

— Oui, Majesté ?

— Veuillez vous concentrer sur la tâche en cours.

— Hum, oui, Majesté.

— Sazed ? interrogea Elend. Qu’en dites-vous ?

Sazed leva les yeux de son livre – une version codifiée et annotée de la charte de la ville, rédigée par Elend en personne. Le Terrisien secoua la tête.

— Vous avez fait du très beau travail, je trouve. J’y vois très peu de méthodes permettant d’éviter la nomination de Cett si l’Assemblée devait le choisir.

— Trop compétent pour votre propre bien ? demanda Noorden.

— Un problème que j’ai, malheureusement, rarement rencontré, répondit Elend qui s’assit et se frotta les yeux.

Est-ce que c’est comme ça que Vin se sent en permanence ? se demanda-t-il. Elle dormait moins que lui et passait son temps en mouvement, à courir, se battre, espionner. Pourtant, elle semblait toujours en pleine forme. Elend commençait déjà à fatiguer après deux ou trois jours de recherches approfondies.

Concentre-toi, se dit-il. Tu dois connaître tes ennemis afin de pouvoir les combattre. Il doit exister une solution pour nous sortir de là.

Dockson était toujours en train de composer des lettres destinées aux autres membres de l’Assemblée. Elend voulait rencontrer ceux qui étaient disposés à le faire. Malheureusement, il avait le sentiment que le nombre serait restreint. Après avoir voté contre lui, ils se voyaient proposer une solution qui semblait leur permettre de régler facilement leurs problèmes.

— Majesté…, déclara lentement Noorden. Ne croyez-vous pas que nous devrions nous contenter de laisser Cett prendre le trône ? Enfin, je veux dire, est-ce qu’il serait si terrible que ça ?

Elend s’arrêta. L’une des raisons pour lesquelles il employait l’ancien obligateur tenait à sa différence de point de vue. Il n’était ni skaa ni membre de la haute noblesse. Ni voleur. Ce n’était qu’un petit homme érudit qui avait rejoint le Ministère parce qu’il lui offrait une autre option que devenir commerçant.

Pour lui, la mort du Seigneur Maître avait représenté une catastrophe qui avait détruit tout ce qui faisait sa vie. Ce n’était pas un mauvais homme, mais il n’avait pas de compréhension réelle de la situation désespérée des skaa.

— Que pensez-vous des lois que j’ai rédigées, Noorden ? demanda Elend.

— Elles sont brillantes, Majesté, répondit Noorden. Une représentation très juste des idéaux exprimés par les anciens philosophes, à laquelle s’ajoute un fort élément de réalisme moderne.

— Cett respectera-t-il ces lois ?

— Je l’ignore. Je n’ai jamais vraiment rencontré cet homme.

— Que vous dicte votre instinct ?

Noorden hésita.

— Non, admit-il enfin. Il n’est pas le genre d’homme qui se conforme à la loi. Il se contente de faire ce qu’il veut.

— Il ne ferait qu’apporter le chaos, approuva Elend. Regardez les informations que nous avons concernant sa patrie et les terres qu’il a conquises. Elles sont en proie au bouleversement le plus complet. Il a laissé un canevas de semi-alliances et promesses – de menaces d’invasion qui assurent à grand-peine un semblant de cohésion. Le laisser régner sur Luthadel ne ferait que nous conduire à un nouvel effondrement.

Noorden se gratta la joue puis hocha la tête d’un air songeur et reprit sa lecture.

J’arrive à le convaincre, se dit Elend. Si seulement j’étais en mesure de faire de même pour l’Assemblée.

Mais Noorden était un érudit ; il pensait comme Elend. Les faits logiques lui suffisaient, et une promesse de stabilité était plus puissante qu’une promesse de richesse. L’Assemblée était une tout autre affaire. Les nobles voulaient revenir à ce qu’ils avaient connu auparavant ; les commerçants voyaient une occasion de s’emparer des titres qu’ils avaient toujours convoités, et les skaa redoutaient simplement un massacre brutal.

Et pourtant, même ces choses-là étaient des généralisations. Lord Penrod se voyait comme le patriarche de la ville – le noble le plus haut placé, celui dont ils avaient besoin pour apporter une certaine mesure de modération conservatrice à leurs problèmes. Kinaler, l’un des ouvriers des aciéries, redoutait que le Dominat Central ait besoin d’un lien avec les royaumes environnants, et voyait une alliance avec Cett comme le meilleur moyen de protéger Luthadel sur le long terme.

Chacun des vingt-trois membres de l’Assemblée avait ses propres idées, ses propres buts, ses propres problèmes. C’était l’intention initiale d’Elend ; les idées proliféraient dans un tel environnement. Simplement, il ne s’était pas attendu à ce que leurs idées contredisent les siennes dans une telle mesure.

— Vous aviez raison, Ham, dit Elend en se retournant.

Ham leva les yeux, haussant un sourcil.

— Au tout début, les autres et vous-même vouliez conclure une alliance avec l’une des armées – leur livrer la ville à condition qu’ils la protègent des autres armées.

— Je me rappelle, répondit Ham.

— Eh bien, c’est ce que veut le peuple, poursuivit Elend. Avec ou sans mon consentement, il semble qu’il soit sur le point de livrer la ville à Cett. Nous aurions dû nous contenter d’appliquer votre plan.

— Majesté ? intervint Sazed.

— Oui ?

— Veuillez me pardonner, mais votre devoir n’est pas de contenter le peuple.

Elend cligna des yeux.

— On croirait entendre Tindwyl.

— J’ai connu peu de gens aussi sages qu’elle, Majesté, dit Sazed en lançant un coup d’œil à l’intéressée.

— Eh bien, je ne suis pas d’accord avec vous deux, répondit Elend. Un dirigeant ne devrait gouverner qu’avec le consentement du peuple.

— Je ne vous contredis pas sur ce point, Majesté, poursuivit Sazed. Ou, du moins, j’y crois en théorie. Néanmoins, je ne pense toujours pas que votre devoir soit d’agir selon les souhaits du peuple. Mais plutôt de le diriger de votre mieux, suivant la voix de votre conscience. Vous devez rester fidèle, Majesté, à l’homme que vous voulez devenir. Si cet homme n’est pas celui par lequel le peuple veut être dirigé, alors il choisira quelqu’un d’autre.

Elend y réfléchit. Oui, bien sûr. Si je ne dois pas faire exception à mes propres lois, je ne dois pas davantage faire exception à ma propre éthique. Les paroles de Sazed n’étaient que la reformulation de ce que Tindwyl lui avait dit sur la confiance qu’il devait avoir en lui-même, mais l’explication de Sazed paraissait meilleure. Plus honnête.

— Tenter de deviner ce que le peuple attend de vous ne peut mener qu’au chaos, je crois, dit Sazed. Vous ne pouvez plaire à tous, Elend Venture.

La petite fenêtre d’aération du bureau s’ouvrit brusquement et Vin s’y faufila, apportant avec elle un nuage de brume. Elle ferma la fenêtre, puis balaya la pièce du regard.

— Encore ? s’exclama-t-elle, incrédule. Vous avez réussi à trouver encore d’autres livres ?

— Bien sûr, répondit Elend.

— Mais les gens en ont écrit combien, de ces trucs-là ? demanda-t-elle d’une voix exaspérée.

Elend ouvrit la bouche, puis s’arrêta en voyant pétiller ses yeux. Enfin, il se contenta de soupirer.

— Tu es incorrigible, dit-il en se repenchant sur ses lettres.

Il entendit un bruissement derrière lui et, l’instant d’après, Vin atterrit sur l’une de ses piles de livres et parvint à rester en équilibre au sommet. Les glands de sa cape de brume pendaient autour d’elle, étalant l’encre de sa lettre.

Elend soupira.

— Oups, dit-elle en écartant sa cape. Désolée.

— Est-il vraiment nécessaire que tu passes ton temps à bondir partout comme ça, Vin ? demanda Elend.

Vin bondit à terre.

— Désolée, répéta-t-elle en se mordant la lèvre. Sazed dit que c’est parce que les Fils-des-brumes aiment être en hauteur pour voir tout ce qui se passe.

Elend hocha la tête tout en poursuivant la rédaction de sa lettre. Il aimait qu’elles soient de sa propre main, mais il allait devoir demander à un scribe de réécrire celle-ci. Il secoua la tête. Il y a tellement de choses à faire…

 

Vin regardait Elend griffonner. Sazed était assis et occupé à lire, tout comme l’un des scribes d’Elend – l’obligateur. Elle mesura l’homme du regard, et il se tassa quelque peu sur son siège. Il savait qu’elle n’avait jamais eu confiance en lui. Les prêtres ne devraient pas être aussi enjoués.

Elle était impatiente d’apprendre à Elend ce qu’elle avait découvert au sujet de Demoux, mais elle hésitait. Il y avait trop de personnes présentes, et elle n’avait aucune preuve réelle – rien que son instinct. Elle s’en abstint donc et les observa par-dessus les piles de livres.

Il régnait dans la pièce un silence morne. Tindwyl était assise, les yeux légèrement vitreux ; sans doute devait-elle étudier une ancienne biographie qu’elle avait mémorisée. Même Ham était en train de lire, bien qu’il passe de livre en livre, de sujet en sujet. Vin avait le sentiment qu’elle aurait dû être en train d’étudier quelque chose, elle aussi. Elle songea aux notes qu’elle avait prises sur l’Insondable et le Héros des Siècles, mais ne put se résoudre à les sortir.

Elle ne pouvait pas lui parler de Demoux, pas encore, mais elle pouvait lui faire part d’une autre découverte.

— Elend, dit-elle tout bas. J’ai quelque chose à te dire.

— Humm ?

— J’ai entendu les serviteurs parler quand OreSeur et moi étions en train de dîner, tout à l’heure. Ils connaissent des gens qui ont été malades récemment – beaucoup de gens. Je crois que quelqu’un a trafiqué nos provisions.

— Oui, répondit Elend sans cesser d’écrire. Je sais. Plusieurs des puits de la ville ont été empoisonnés.

— Ah bon ?

Il hocha la tête.

— Je ne t’en ai pas parlé quand tu es passée me voir tout à l’heure ? C’est là que nous étions partis, Ham et moi.

— Tu ne m’as rien dit.

— Je croyais l’avoir fait, répondit Elend en fronçant les sourcils.

Vin secoua la tête.

— Toutes mes excuses, dit-il, avant de se pencher pour l’embrasser, puis de se remettre à écrire.

Et un baiser est censé tout réparer ? songea-t-elle, maussade, en se rasseyant sur une pile de livres.

C’était une réaction idiote ; rien n’obligeait Elend à lui en parler si vite. Et pourtant, cet échange lui laissa une curieuse impression. Auparavant, il lui aurait demandé de régler le problème. À présent, il semblait s’en être occupé lui-même.

Sazed soupira et referma son ouvrage.

— Majesté, je ne trouve aucune faille. J’ai lu vos textes de loi plus de six fois.

Elend hocha la tête.

— C’est ce que je craignais. Le seul avantage qu’on puisse tirer de la loi, c’est de mal l’interpréter intentionnellement – ce que je me refuse à faire.

— Vous êtes un honnête homme, Majesté, répondit Sazed. Si vous aviez vu une faille dans la loi, vous y auriez remédié. Même si vous n’en aviez pas trouvé, l’un d’entre nous l’aurait fait, quand vous nous demandiez notre opinion.

Il se laisse appeler « Majesté », songea Vin. Avant, il avait essayé de leur faire perdre cette habitude. Pourquoi est-ce qu’il les laisse faire maintenant ?

Comme il était curieux qu’Elend commence enfin à se considérer comme roi après qu’on lui avait pris son trône.

— Attendez, dit Tindwyl, dont le regard se précisa de nouveau. Vous aviez parcouru cette loi en entier avant qu’elle soit ratifiée, Sazed ?

Sazed rougit.

— En effet, dit Elend. En fait, ses idées et suggestions m’ont été d’une aide capitale pour la rédaction du code actuel.

— Je vois, répondit Tindwyl en pinçant les lèvres.

Elend fronça les sourcils.

— Tindwyl, vous n’avez pas été invitée à cette réunion. Vous y êtes tolérée. Bien que nous ayons apprécié vos conseils, je ne vous laisserai pas insulter un ami et invité de ma maison, même si ces insultes sont indirectes.

— Je vous présente mes excuses, Majesté.

— Vous ne devez pas me les présenter à moi, répondit Elend. Présentez-les à Sazed ou vous allez devoir quitter cette réunion.

Tindwyl resta un moment assise en silence ; puis elle se leva et quitta la pièce. Elend ne parut pas s’en offenser. Il se remit simplement à la rédaction de ses lettres.

— Vous n’aviez pas à faire ça, Majesté, dit Sazed. L’opinion de Tindwyl à mon égard me paraît fondée.

— Je fais comme bon me semble, Sazed, répondit Elend sans cesser d’écrire. Sans vouloir vous offenser, mon ami, vous avez toujours eu l’habitude de laisser les gens mal vous traiter. Ce que je ne tolérerai pas dans ma maison : en insultant l’aide que vous m’avez apportée pour mes lois, c’est également moi qu’elle insulte.

Sazed hocha la tête, puis s’empara d’un nouvel ouvrage.

Vin garda le silence. Comme il change vite. Depuis combien de temps Tindwyl est-elle arrivée ? Deux mois ? Elend n’avait rien dit là qu’il n’aurait dit deux mois auparavant – mais la façon dont il le formulait était totalement différente. Il s’exprimait avec une fermeté, une insistance, qui laissaient sous-entendre qu’il attendait leur respect.

C’est la perte de son trône, le danger que représentent les armées, songea Vin. La pression l’oblige à changer, à choisir entre se redresser pour commander ou se faire écraser. Il était déjà au courant pour les puits. Qu’avait-il découvert d’autre dont il ait omis de lui parler ?

— Elend ? appela Vin. J’ai encore réfléchi au sujet de l’Insondable…

— C’est formidable, Vin, répondit Elend en lui souriant. Mais je n’ai vraiment pas le temps pour l’instant…

Vin hocha la tête et lui sourit. Toutefois, ses pensées étaient plus tourmentées. Il n’est plus hésitant, comme avant. Il n’est plus obligé de se reposer autant sur les autres.

Il n’a plus besoin de moi.

C’était une idée stupide. Elend l’aimait ; elle le savait. Son assurance nouvelle ne la rendrait pas moins précieuse à ses yeux. Et pourtant, elle ne parvenait pas à chasser ses inquiétudes. Il l’avait déjà quittée une fois, lorsqu’il cherchait à concilier les besoins de sa maison avec son amour pour elle, et son geste avait failli anéantir Vin.

Que se produirait-il s’il l’abandonnait maintenant ?

Il ne le fera pas, se dit-elle. Il vaut bien mieux que ça.

Mais des hommes de valeur avaient déjà échoué dans leurs relations, n’est-ce pas ? Les gens s’éloignaient – surtout ceux qui étaient si différents au départ. Malgré elle – malgré la façon dont elle cherchait à se rassurer –, elle entendait une petite voix s’inviter dans sa tête.

Une voix qu’elle croyait avoir chassée, qu’elle ne s’était plus attendue à entendre un jour.

Quitte-le la première, semblait lui chuchoter Reen, son frère, dans sa tête. Ça te fera moins souffrir.

Vin perçut un bruissement à l’extérieur. Elle s’anima légèrement, mais il était trop bas pour que les autres l’entendent. Elle se leva et s’approcha de la fenêtre d’aération.

— Tu repars patrouiller ? demanda Elend.

Elle se retourna, puis hocha la tête.

— Tu devrais peut-être aller inspecter les défenses de Cett au Bastion Hasting, lui dit-il.

Elle hocha de nouveau la tête. Elend lui sourit, puis se repencha sur ses lettres. Vin ouvrit la fenêtre et sortit dans la nuit. Zane se tenait au cœur des brumes, les pieds reposant à peine sur la corniche de pierre qui courait en dessous de la fenêtre. Il se tenait selon un angle oblique, les pieds contre le mur, le corps saillant dans la nuit.

Vin jeta un coup d’œil sur le côté, observant le bout de métal contre lequel Zane prenait appui pour se maintenir en équilibre. Une nouvelle prouesse. Il lui sourit dans le noir.

— Zane ? chuchota-t-elle.

Il leva les yeux, et Vin hocha la tête. La seconde d’après, ils atterrirent tous deux sur le toit métallique du Bastion Venture.

Vin se tourna vers Zane.

— Où étiez-vous passé ?

Il l’attaqua.

Vin bondit de surprise tandis que Zane fonçait en tournoyant, noir tourbillon où scintillaient des couteaux. Elle tomba, les pieds à moitié en dehors du toit, tendue. Alors on se bat en duel ? songea-t-elle.

Zane frappa, et son couteau approcha dangereusement du cou de Vin lorsqu’elle esquiva sur le côté. Il y avait dans sa manière de l’attaquer quelque chose de différent. De plus dangereux.

Avec un juron, elle dégaina ses propres couteaux et bondit en arrière pour esquiver une autre attaque. Lorsqu’elle bougea, Zane fendit l’air de sa lame et trancha la pointe de l’un des glands de sa cape.

Elle se retourna pour lui faire face. Il s’avança, mais sans afficher de posture de combat. Il paraissait confiant, mais pas inquiet, comme s’il marchait vers une vieille amie au lieu d’être en train d’initier un combat.

Bon, très bien, se dit-elle tandis qu’elle s’élançait tout en portant un grand coup de poignard circulaire.

Zane s’avança d’un pas nonchalant et se retourna très légèrement sur le côté, esquivant l’un des couteaux avec aisance. Il saisit l’autre main de Vin d’un geste fluide et arrêta le coup.

Elle s’immobilisa. Personne n’était aussi doué. Zane baissa vers elle des yeux sombres. Elle n’y lut aucune peur. Aucune inquiétude.

Il brûlait de l’atium.

Elle se dégagea de sa poigne et bondit en arrière. Il la relâcha et la regarda retomber accroupie tandis que de la sueur perlait à son front. Elle éprouva une soudaine et violente bouffée de terreur – sensation primitive et viscérale. Elle redoutait ce jour depuis l’instant où elle avait appris les propriétés de l’atium. C’était la terreur de se savoir impuissante malgré ses dons et ses capacités.

De savoir qu’elle allait mourir.

Elle se retourna pour s’éloigner, mais Zane bondit avant même qu’elle commence à bouger. Il savait ce qu’elle allait faire avant qu’elle le sache elle-même. Il lui agrippa les épaules par-derrière et la tira en arrière, la jetant sur le toit.

Vin heurta la surface métallique, hoquetant de douleur. Zane se dressait au-dessus d’elle, les yeux baissés, comme s’il attendait.

Je refuse de me laisser battre comme ça ! se dit Vin, désespérée. Je refuse d’être tuée comme un rat pris au piège !

Elle tendit la main et visa sa jambe, mais en pure perte. Il écarta légèrement la jambe – si bien que son coup n’entailla même pas le tissu de son pantalon. Elle était comme une enfant tenue à distance par un adversaire bien plus grand et plus puissant. Ça devait ressembler à ça d’être une personne ordinaire cherchant à se battre contre elle.

Zane se dressait dans les ténèbres.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle enfin.

— Vous ne l’avez vraiment pas, dit-il calmement. La réserve d’atium du Seigneur Maître.

— Non, répondit-elle.

— Vous n’en avez pas du tout, formula-t-il d’une voix neutre.

— J’ai utilisé la dernière bille le jour où j’ai combattu les assassins de Cett.

Il demeura immobile un moment ; puis il se détourna et s’écarta d’elle. Vin s’assit, le cœur battant la chamade, les mains tremblant légèrement. Elle s’obligea à se lever, puis se pencha pour ramasser ses couteaux tombés à terre. L’un d’entre eux s’était fêlé en heurtant la surface de cuivre du toit.

Zane se retourna vers elle, silencieux au cœur des brumes.

 

Zane la regarda dans le noir et vit sa peur – mais aussi sa détermination.

— Mon père veut que je vous tue, dit-il.

Elle se leva et l’étudia, avec toujours le même éclat de frayeur dans les yeux. Elle était forte et maîtrisait bien sa peur. Les nouvelles de leur espion, les paroles que Vin avait prononcées alors qu’ils se trouvaient dans la tente de Cett, étaient exactes. Il n’y avait pas d’atium à se procurer dans cette ville.

— C’est pour ça que vous ne veniez plus ? demanda-t-elle.

Il hocha la tête et se détourna d’elle.

— Alors ? reprit-elle. Pourquoi me laisser vivre ?

— Je ne sais pas trop, admit-il. Il se peut encore que je vous tue. Mais… Je n’y suis pas obligé. D’obéir à son ordre. Je pourrais me contenter de vous éloigner d’ici – l’effet serait le même.

Il se retourna vers elle. Elle fronçait les sourcils, petite silhouette obscure au cœur des brumes.

— Venez avec moi, dit-il. Nous pourrions partir tous les deux – Straff perdrait son Fils-des-brumes, et Elend la sienne. Nous pourrions les priver tous les deux de leurs outils. Et nous serions libres.

Elle ne répondit pas immédiatement. Enfin, elle secoua la tête.

— Ce… lien entre nous, Zane. Ce n’est pas ce que vous croyez.

— Que voulez-vous dire ? demanda-t-il en s’avançant.

Elle leva les yeux vers lui.

— J’aime Elend, Zane. Vraiment.

Et vous croyez que ça signifie que vous ne pouvez rien éprouver pour moi ? songea Zane. Et cet éclat que j’ai vu dans vos yeux, ce désir ? Non, ce n’est pas aussi simple que vous le sous-entendez, n’est-ce pas ?

Ça ne l’est jamais.

Et pourtant, à quoi d’autre s’était-il attendu ? Il se détourna.

— C’est logique. Il en a toujours été ainsi.

— Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ? demanda-t-elle d’un ton insistant.

Elend…

— Tuez-la, murmura Dieu.

Zane ferma très fort les yeux. Elle ne se laisserait pas duper ; pas une femme qui avait grandi dans les rues, qui avait pour amis des voleurs et des arnaqueurs. C’était la partie la plus difficile. Il allait lui falloir voir des choses qui terrifiaient Zane.

Il allait lui falloir la vérité.

— Zane ? appela Vin.

Elle paraissait toujours un peu secouée par l’attaque, mais elle était du genre à récupérer vite.

— Vous ne voyez pas la ressemblance ? demanda Zane en se retournant. Le même nez, la même forme de visage ? J’ai coupé mes cheveux plus court que les siens, mais ils ont les mêmes boucles. Est-ce si difficile à voir ?

Elle en eut le souffle coupé.

— À qui d’autre Straff Venture ferait-il confiance pour être son Fils-des-brumes ? poursuivit Zane. Pour quelle autre raison me laisserait-il approcher si près, pourquoi se sentirait-il aussi à l’aise de me tenir au courant de ses projets ?

— Vous êtes son fils, murmura Vin. Le frère d’Elend.

Zane acquiesça.

— Elend…

— Ne connaît pas mon existence, répondit Zane. Interrogez-le sur les habitudes sexuelles de son père à l’occasion.

— Il m’en a déjà parlé. Straff aime les maîtresses.

— Pour plus d’une raison. Plus de femmes signifient plus d’enfants. Plus d’enfants signifient plus d’allomanciens. Et plus d’allomanciens, plus de chances d’engendrer un Fils-des-brumes pour vous servir d’assassin.

La brume charriée par le vent déferla sur eux. Au loin, Vin entendit cliqueter l’armure d’un soldat en patrouille.

— Tant que le Seigneur Maître était en vie, je ne pouvais pas espérer hériter, poursuivit Zane. Vous savez comme les obligateurs étaient stricts. J’ai grandi dans les ombres, ignoré de tous. Vous viviez dans les rues – j’imagine à quel point ça devait être terrible. Mais imaginez ce que c’est d’être un charognard dans votre propre foyer, non reconnu par votre père, traité comme un mendiant. Imaginez observer votre frère, un garçon de votre âge, en train de grandir parmi les privilèges. Imaginez le voir dédaigner toutes les choses que vous désirez tant. Le confort, l’oisiveté, l’amour…

— Vous devez le détester, chuchota Vin.

— Le détester ? répéta Zane. Non. Pourquoi détester un homme pour ce qu’il est ? Elend ne m’a rien fait, du moins pas directement. Par ailleurs, Straff a fini par trouver une raison d’avoir besoin de moi – quand j’ai basculé et qu’il a enfin obtenu ce qu’il cherchait à créer depuis vingt ans. Non, je ne déteste pas Elend. Mais parfois, je l’envie. Il possède tout. Et malgré ça… j’ai l’impression qu’il ne l’apprécie pas.

Vin se leva sans un bruit.

— Je suis désolée.

Zane secoua vivement la tête.

— Ah non, ne me prenez pas en pitié. Si j’étais Elend, je ne serais pas un Fils-des-brumes. Je ne comprendrais pas les brumes, pas plus que je ne saurais ce que c’est de grandir seul et haï. (Il se retourna pour la regarder droit dans les yeux.) Vous ne croyez pas qu’un homme apprécie davantage l’amour quand il a été contraint de s’en passer si longtemps ?

— Je…

Zane se détourna.

— Quoi qu’il en soit, continua-t-il, je ne suis pas venu ici ce soir pour me plaindre de mon enfance. Je suis venu vous livrer un avertissement.

Vin se raidit.

— Il n’y a pas très longtemps, reprit Zane, mon père a laissé plusieurs centaines de réfugiés franchir son barrage et approcher de la ville. Vous connaissez l’armée des koloss ?

Vin hocha la tête.

— Elle a attaqué et pillé la ville de Suisna un peu plus tôt.

Vin éprouva une peur naissante. Suisna ne se trouvait qu’à une journée de Luthadel. Les koloss étaient tout près.

— Les réfugiés sont venus demander de l’aide à mon père, dit Zane. Il les a renvoyés vers vous.

— Pour effrayer encore davantage les gens de la ville, comprit Vin. Et pour épuiser encore un peu plus nos ressources.

Zane hocha la tête.

— Je voulais vous avertir. À la fois de l’arrivée des réfugiés et des ordres que j’ai reçus. Réfléchissez à mon offre, Vin. Et à cet homme qui prétend vous aimer. Vous savez qu’il ne vous comprend pas. Si vous partez, ce sera préférable pour chacun d’entre vous.

Vin fronça les sourcils. Zane la salua d’un petit signe de tête puis bondit dans la nuit, exerçant une Poussée contre le toit métallique. Elle ne le croyait toujours pas au sujet d’Elend. Il le lisait dans ses yeux.

Eh bien, les preuves n’allaient plus tarder. Elle allait bien voir. Elle comprendrait bientôt ce qu’Elend Venture pensait réellement d’elle.

Le puits de l'ascension
titlepage.xhtml
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_047.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_048.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_049.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_050.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_051.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_052.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_053.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_054.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_055.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_056.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_057.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_058.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_059.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_060.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_061.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_062.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_063.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_064.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_065.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_066.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_067.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_068.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_069.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_070.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_071.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_072.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_073.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_074.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-2]Le puits de l'ascension(2008).French.ebook.AlexandriZ_split_075.html